Mindset

J’ai peur de ne pas gagner ma vie en tant qu’artiste

Une artiste qui travaille dans son atelier

6 mai 2024

Vous adorez créer. Vous avez envie de pratiquer votre art régulièrement, souvent. D’expérimenter. Vous commencez à avoir des demandes, des amis vous font remarquer que vous pourriez vendre. Mais… Vous n’osez pas vous projeter artiste à temps plein. C’est un rêve qui est là, on y pense de temps en temps. Mais ça reste un rêve. Trop dangereux. “Comment je vais gagner ma vie ? Ce serait irresponsable de démissionner, je vais me mettre en danger. Je vais continuer ma pratique artistique sur le côté, sur mon temps libre. C’est dommage c’est sûr, mais c’est comme ça.”

Vous n’êtes pas la seule à penser ça. C’est naturel. C’est même plus que naturel, le système nous pousse dans cet état d’esprit. Pourtant c’est tout à fait possible de se lancer en tant qu’artiste, sans se mettre en danger. Je vais vous montrer comment changer votre état d’esprit sur le métier d’artiste.

Comprendre d’où vient notre vision faussée du métier d’artiste

Dès l’école, notre société ne met pas en valeur les arts

L’un des problèmes qui conduit à cette vision erronée du métier d’artiste, c’est que dans le système, on nous coupe de notre créativité. Comme le rappelle Chase Jarvis dans Creative Calling, si on demande à une classe d’élèves de maternelle de faire un dessin, tous les enfants auront un énorme sourire et se précipiteront vers des crayons de couleur. 15 ans après, si on propose à des élèves de terminale de dessiner, la plupart lèveront les yeux au ciel. Le système coupe cette créativité qui est pourtant naturelle chez nous pendant l’enfance. Toute l’éducation est centrée sur les matières intellectuelles “nobles”. Les cours d’art plastique ou de musique sont relégués au dernier plan.

Pire encore, un grand nombre de personnes ont connu des situations rabaissantes liées à leur créativité quand elles étaient jeunes. Vous souvenez-vous avoir déjà été fier de votre dessin et en le montrant on vous a répondu “Tu devrais te concentrer sur des choses importantes plutôt” ? Ou pire encore “Ah ce n’est pas encore un Picasso”. Cela laisse des cicatrices créatives à l’âge adulte.

On ne nous pousse pas à créer, à explorer ce qui nous anime dans l’art, on doit “travailler”, sous-entendu les matières “intellectuelles”, nobles. On garde le sentiment que l’art est réservé aux artistes maudits ou à une certaine forme d’élite qui a accès au monde des galeries, mais pas à nous. Nous on doit apprendre des connaissances, pas dessiner.

Les enfants créent, en grandissant on doit étudier
Quand on est enfant on crée, quand on grandit le système scolaire n’intègre plus de matières artistiques

Il n’y a pas de carrière toute tracée pour devenir artiste pro

Dans ce contexte, c’est normal qu’il soit difficile de visualiser un chemin à prendre pour devenir artiste. Contrairement aux métiers classiques comme professeure, infirmière, avocate… où le cursus est clair, il n’y a pas de voie toute tracée pour être artiste.

Certes il y a les écoles d’art. Elles aident à développer la pratique artistique mais bien souvent elles n’apprennent pas le métier d’artiste.

Selon moi, une école d’art apporte :

  • Le temps d’affiner son art, de l’enrichir, de le confronter à des tas de points de vue.
  • L’occasion de développer sa culture artistique, historique et son regard critique.
  • Des conseils spécifiques, parfois difficiles à trouver ailleurs ou ouvertement sur Internet.
  • L’accès à un réseau

Mais en école d’art, on ne forme pas toujours – en tout cas rarement de façon approfondie – aux façons de vendre son art. Dans cet article du Monde où des étudiants en école d’art parlent de ce manque, on peut même lire que le sujet de la professionnalisation parfois est tabou. Pas étonnant que l’image de l’art qui n’est pas un vrai métier perdure si le milieu lui-même voit la professionnalisation comme un tabou.

Le Graal de la stabilité et du CDI

En plus de cela, la société nous met à tous en tête une image de la carrière idéale : il faut faire des études, plus elles sont longues, mieux c’est, avoir un bon diplôme, pour décrocher un job stable, avec un revenu fixe et surtout – surtout – le précieux CDI comme objectif.

Cela accentue encore l’idée qu’artiste n’est pas un choix de carrière possible car la plupart du temps, être artiste c’est être entrepreneur. Pas de CDI. Pas de revenu fixe. Et en plus, il n’y a pas de diplôme qui s’appelle “Master artiste entrepreneur”.

Difficile de considérer ce choix possible puisqu’il ne répond à aucun des “bons choix” qu’on nous apprend.

Le problème, c’est que quand vous ressentez que vous n’êtes plus à votre place dans votre système actuel, vous envisagez un projet artistique avec la même pression qu’un métier-système. Vous envisagez un nouveau job à temps plein, bien payé, que vous ferez pendant au moins 10 ans.

Le mythe de l’industrie bouchée

Une autre croyance qui empêche de se lancer dans une carrière artistique est celle du secteur artistique qui serait bouché. Quand vous étiez plus jeune, avez-vous déjà été découragée par “beaucoup d’appelés, peu d’élus” ?

Nous ne minimisons pas la réalité, il existe une instabilité financière dans le secteur artistique et une précarité pour de nombreux artistes. Mais celle-ci reflète surtout une plus grande problématique concernant la valorisation et la rémunération du travail créatif.

Comme nous avons collectivement l’idée que l’art n’est pas forcément essentiel ou prioritaire, de nombreux artistes ne se valorisent pas eux-mêmes. En effet, toute personne – amateur ou pro – peut se définir artiste. Cela crée un environnement avec une forte concurrence où une partie des acteurs est prête à accepter des propositions non valorisantes, au détriment des conséquences. Cela est accentué par le manque de légitimité souvent ressenti par les artistes. Certaines entreprises saisissent l’opportunité en proposant de rémunérer en visibilité le travail créatif plutôt que de la valoriser financièrement (des pistes pour fixer ses prix quand on est artiste dans cet article). C’est un cercle vicieux qui perpétue le manque de reconnaissance du travail artistique et alimente le mythe de l’artiste maudit.

Un autre problème bien réel vient du fait que le travail derrière la création est souvent invisibilisé : on met en avant le produit fini et non le designer qui l’a illustré. Pourtant le travail artistique derrière les produits finis est essentiel aux industries.

D’ailleurs, il n’existe pas une industrie artistique, il y a de multiples secteurs dont l’essence est d’utiliser le travail créatif. Pensez juste à l’habillement, que seraient les textiles sans motifs ? Ou encore la décoration d’intérieur, la presse, le packaging… on peut même dire que tous les secteurs ont besoin d’art. Tournez simplement la tête autour de vous maintenant, ne voyez-vous pas de nombreuses illustrations sur des objets diversifiés ?

Alors de la place, il y en a.

Sortir de ces schémas de pensée pour voir le métier d’artiste comme un vrai métier

Voir l’entrepreneuriat comme une option sérieuse

Si on se dit “je veux être artiste” tout en ayant en tête l’idée de la société “je vais faire un métier classique, avec la sécurité de l’emploi, un patron, des collègues, un salaire régulier…” ça ne peut pas fonctionner. Être artiste c’est souvent être entrepreneur, c’est très rare d’être payé de façon fixe pour faire de l’art. On peut exercer un métier artistique en tant que salarié dans une agence ou studio comme designer textile, directeur artistique, graphiste, … mais ce n’est pas la même chose que ce qu’on entend quand on parle “d’artiste”. Donc il faut oser sortir des cases.

Le gros avantage de cela, c’est qu’il y a de nombreuses possibilités pour accéder au métier d’artiste. Les conditions d’accès aux métiers artistiques ne sont pas réglementées, il n’y a pas un diplôme donné qui permet d’y accéder. Tout le monde peut créer et proposer son art à la vente. On peut décider de devenir illustrateur en étant autodidacte.

De la même façon, il n’y a pas un seul métier d’artiste. On a tous en tête l’artiste classique qui crée des originaux, est représenté par une galerie et vend ses créations. Ce schéma traditionnel n’est qu’une partie de l’industrie artistique et créative.

Infographie : le métier d'artiste
Infographie : ce qu’est le métier d’artiste et ce qu’il n’est pas

C’est risqué, ça fait peur, mais on peut trouver et suivre sa voie petit à petit

Alors oui, ce n’est pas fait pour tout le monde. Peut-être qu’en lisant cela vous vous dites “Non moi je n’arriverai jamais à vivre sans salaire identique d’un mois à l’autre” ou encore “Entrepreneur ? Mais moi je veux créer, pas devenir cheffe d’entreprise”.

Bien souvent, notre premier réflexe est de suivre une formation sur 3 ans car il faut un bon diplôme (qui permet de valider notre légitimité à nous lancer car c’est difficile de s’assumer seule), puis d’implémenter des stratégies qui priorisent le chiffre d’affaires. On retombe alors rapidement dans les mêmes travers qu’un métier-système en mettant la passion de côté.
Ce réflexe se comprend. En suivant sa voie, on perd une définition claire du succès (métier → argent → maison → famille → retraite). Qu’est-ce qui fait le succès à présent ? Le salaire ? Le temps de travail ? La liberté ? C’est vous qui décidez, ce sont vos règles. On sort du référentiel de base applicable à tous et où tout le monde peut se comparer. Faire le choix de sa voie attire mais fait peur et déstabilise beaucoup également.
Pourtant, on peut se lancer sans se mettre en danger, en testant, en construisant son métier artistique à côté de son métier actuel.

L’important c’est d’avancer

Le plus important à ce stade c’est de commencer. Le travail d’un artiste pro est un travail qui se construit, pas qui se trouve. On ne peut pas passer des années à attendre qu’un métier d’artiste nous tombe dessus, avec la stabilité du système, en faisant notre art comme hobby. Ça ne fonctionnera pas. On risque juste de rester bloqué dans cette spirale pendant des années.

Personne ne vous appellera demain pour vous dire “j’ai un poste d’artiste pour vous”. Vous devez le construire.

Il faut passer du temps à faire des tests. Il faut accepter de prendre peut-être plusieurs années, en parallèle de ses autres activités familiales, pros, persos, de mettre en place des briques, tester, passer à l’action, compléter son univers artistique, communiquer… pour espérer créer ce métier d’artiste.

La solution c’est d’agir maintenant, de faire un pas après l’autre.

Différents métiers d'artiste
Toutes ces personnes sont des artistes, à vous de trouver votre voie et de construire votre projet dans ce sens

Par quoi commencer pour se lancer ?
Dans notre futur cours Cap Créatif, nous vous donnerons en détails les différentes façons de gagner de l’argent avec votre art et nous vous donnerons une méthode pour faire le tri parmi ces possibilités et trouver celle qui vous correspond. Abonnez-vous à notre newsletter pour être prévenue de son lancement.

C’est à vous !

Considérez-vous que le métier d’artiste est un vrai métier ? Posez-vous vraiment la question pour savoir si vos blocages ne commencent pas ici.

Opérer ce changement d’état d’esprit est indispensable pour sortir de l’amateurisme et devenir professionnelle.

Quelle est la première action que vous allez mettre en place pour commencer à construire votre propre chemin d’artiste pro ? Racontez-nous en commentaire !

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