Lors de la sortie de ma collection capsule avec 4Murs, j’ai reçu de nombreuses questions sur la création d’une collection et plus généralement sur le licensing alors je vous propose de découvrir les 7 étapes de la création d’une collection d’illustrations en licensing !
Qu’est-ce que le licensing ?
Vous entendez peut être beaucoup parler de “licensing” dans le domaine créatif, mais qu’est-ce que ça veut dire exactement ? C’est simple : ça signifie vendre une licence de droits d’auteur à un client pour qu’il puisse exploiter une (ou plusieurs) œuvres dans un cadre précisé par la licence, par exemple la création et la vente d’un produit dérivé (ou d’une collection de produits dérivés).
L’idée de fond est simple : la vente d’une création doit nécessairement s’accompagner d’un “manuel” qui précise comment le client a le droit d’utiliser l’œuvre.
Voici des exemples de conditions qui peuvent figurer dans une licence :
- supports autorisés pour exploiter l’œuvre,
- durée,
- périmètre géographique,
- exclusivité ou pas, etc.
Et chacun de ces paramètres a un prix : on ne peut pas vendre une création à une marque avec des “droits illimités”, il est nécessaire de poser un cadre pour que la cession de droits soit valable juridiquement (cf cet article).
Quels types de projets ?
Pour que ça soit plus concret pour vous, je vous propose de découvrir quelques exemples de modèles économiques qu’on peut ranger sous l’ombrelle “licensing”:
- Création à la commande : la marque commande une illustration pour une couverture de magazine, pour un article de magazine, pour un packaging, pour une campagne de pub sur les réseaux sociaux, pour un objet… Le brief est précis, vous n’avez pas forcément cette illustration dans votre portfolio ou pas de création disponible pour une licence, vous allez la créer sur mesure (à la commande) pour la marque.
- Création de motif : ça ressemble beaucoup à la catégorie précédente, sauf que bien souvent vous avez déjà créé vos collections de motifs et vous les proposez à la vente sous licence auprès de marques. Une collection de motifs est plus spécifique que l’univers créatif très large qui englobe la création à la commande. Souvent la collection contient des motifs placés, répétitifs et coordonnés.
- Collaboration : vous pouvez concevoir des produits en co-création avec une marque et faire payer votre contribution via une licence.
Comment s’y prendre pour démarrer en licensing ? Comment se faire remarquer ? Comment démarcher ?
À mon avis, le licensing est un des modèles économiques les plus accessibles aux créateurs qui se lancent. En effet avec la bonne méthode, c’est beaucoup plus facile et rapide de convaincre une marque d’acheter une de ses créations, que de se créer une audience complète à qui vendre ses propres produits.
Voici comment je m’y prends pour démarcher des marques avec lesquelles j’ai envie de travailler :
- Je fais une liste des entreprises avec lesquelles j’ai vraiment envie de travailler et pourquoi,
- Je fais un max de sourcing pour trouver les bons contacts email et les bons arguments,
- Je prépare un pitch et j’envoie un email court et personnalisé,
- Je tiens à jour un tableau de suivi de l’avancée de mes démarches et de mon projet.
Évidemment ça n’est pas forcément la partie la plus fun mais, quand on débute, une bonne organisation est indispensable pour décrocher des projets !
Quelles sont les étapes d’un projet avec une marque ?
Étape 1 : Le brief
Le brief, c’est tout simplement la description du projet par la marque. C’est : “On a besoin de tant d’illustrations, sur tel thème, avec telle contrainte, de telle taille. On a besoin que plusieurs illustrations se répondent. On a envie qu’il y ait tel élément dans nos illustrations”.
Parfois, il n’y a pas de contrainte, c’est carte blanche, mais bien souvent, il y a quand même certaines contraintes, à vous de réussir à les clarifier.
Par exemple pour mon puzzle édité chez Nathan, la contrainte c’était le format du puzzle mais j’avais carte blanche pour l’illustration.
Pour le packaging des blocs Hahnemühle : je devais créer une illustration en forme de S, avec des espaces négatifs des deux côtés, qui fasse la part belle au rouge et qui soit frais et moderne.
Et pour ma collection capsule chez 4Murs, j’avais reçu tout un PDF avec la liste des contraintes et directions créatives pour chacun des produits.
Étape 2 : Le pitch
Le pitch, c’est un document (email ou PDF) envoyé à la marque qui est fait pour défendre notre capacité à répondre au projet. Dans ce document (facultatif) vous pouvez expliquer :
- Pourquoi vous êtes le parfait candidat pour ce projet,
- Pourquoi vous comprenez tout à fait les problématiques et les envies de la marque,
- Comment vous allez y répondre avec votre art,
- Combien ça va coûter et pourquoi.
Il est possible de tâter le terrain sur le budget avant d’avancer vos prix dans le pitch.
L’objectif du pitch c’est de clarifier les contours du projet et de convaincre la marque de signer avec vous !
Pour moi, la qualité du pitch a toujours fait la différence dans les projets pour lesquels j’ai travaillé et ça quelle que soit l’industrie. On m’a souvent confié que ça avait énormément joué dans la décision de mener à bien le projet (les marques trouvent ça rassurant, professionnel et concret).
Parfois le pitch est inutile parce que la marque vient VOUS chercher pour une illustration bien précise donc vous n’avez pas vraiment besoin de convaincre. Ceci dit il m’arrive souvent de faire des pitchs même si on est venu me chercher, surtout si le projet me parait un peu vague. Ça me permet de poser les bases claires et solides pour mon travail à venir.
Étape 3 : Le devis et le contrat
C’est une étape à ne surtout pas négliger ! Attention à rester pro et à garder à l’esprit que tout travail créatif mérite salaire.
Dans l’industrie créative, un certain nombre d’amateurs sont contactés par des marques et comme ils se sentent honorés et qu’ils ne cherchent pas à monétiser leur art : ils acceptent des cadeaux en échange d’illustrations.
Même si je peux comprendre la démarche, il faut avoir conscience que ce genre de pratique tire toute la profession vers le bas et donne l’illusion qu’il est normal de proposer à un artiste de le rémunérer en cadeau.
N’hésitez pas à assurer le fait d’être un professionnel et à défendre votre métier notamment en proposant un contrat en “bonne et due forme” à vos clients pour qu’ils puissent utiliser votre création de façon légale et que vous touchiez un juste salaire pour votre art.
Pour rédiger un contrat, vous pouvez utiliser un modèle de licence ou de cession de droits existants ou vous faire aider d’un avocat spécialisé en droit de la propriété intellectuelle. Il arrive parfois que le client soit en mesure de fournir son propre contrat.
Il y a généralement deux types de rémunérations possibles :
- au forfait (paiement en une fois)
- ou aux royalties (paiement en % du nombre de produits vendus + avance sur droit en général au début du projet).
Faire un contrat et définir des prix sont des sujets complexes et importants qu’il est difficile à résumer efficacement en quelques lignes dans un simple article alors je prévois de vous en parler plus en détails dans un cours sur le sujet. Stay tuned !
En attendant, nous vous conseillons cette ressource du site le Kit de survie du créatif.
Aller plus loin
Les statuts pour les artistes
Vous voulez savoir comment facturer et encaisser légalement des revenus issus de la vente d’une licence de droits d’auteur ? Rendez-vous dans notre cours complet Quel statut pour le créatif indépendant ? Vous saurez tout sur les statuts de micro-entrepreneur et artiste-auteur.
Étape 4 : La création
Une fois que le devis et le contrat sont signés, on peut enfin passer à la création !
Voilà comment je m’y prends à titre personnel : à partir du concept sur lequel on s’est mis d’accord avec l’entreprise (dans le brief et le pitch), je commence à peindre différentes explorations sans trop réfléchir. L’idée c’est simplement de me lancer, de me mettre dans l’ambiance et de sortir de cette paralysie qu’on peut avoir quand on débute un projet.
J’accroche mes tests au mur ou je les mets tous au sol pour bien les voir.
À partir de là, je continue les explorations, en ayant en tête les différents produits finis mais sans trop me limiter dans mes tests.
Quand ça commence à prendre forme, que j’ai beaucoup de matière, c’est le moment de faire des choix.
J’aime travailler à la fois en traditionnel (aquarelle) et en numérique (Photoshop) pour transformer mes créations en motifs (placés ou répétitifs). Je passe alors beaucoup de temps sur l’ordi à faire des tests, à numériser et combiner des créations, à visualiser le rendu possible.
Avec l’aquarelle, on n’a pas trop droit à l’erreur alors scanner les créations qui me plaisent le plus et les retravailler sur Photoshop (découpe, répétition, agencement, rendu, etc.) me permet de gagner beaucoup de temps et de sortir de l’idée parfois paralysante de vouloir “faire la peinture finale du premier coup sur le papier”. Ça permet également de pouvoir manipuler les éléments pour obtenir la bonne taille, le bon emplacement, une bonne cohésion sans avoir à tout recommencer à chaque modification ! J’enseigne toutes les méthodes que j’utilise pour manier mes aquarelles dans Photoshop dans le cours Destination Digital.
Étape 5 : Traitement des couleurs et numérisation
Une fois que je suis satisfaite du rendu de la composition, je passe à l’optimisation du profil colorimétrique.
C’est une étape vraiment importante à considérer dès qu’on scanne une création et parfois même au moment où l’on peint.
Avec des couleurs comme le rouge ou le magenta, il peut y avoir une grosse différence de rendu quand on imprime la création donc il est nécessaire de passer par cette phase de traitement des couleurs.
L’idée c’est de s’assurer que ce qu’on présente à son client ne va pas être trop différent après impression… et c’est encore plus vrai quand on travaille en traditionnel (on part de la vraie vie pas d’un espace numérique donc il faut faire attention aux transformations).
Pour ça on doit :
- vérifier que les couleurs sont bien imprimables,
- vérifier que les couleurs ne sont pas trop différentes à l’impression,
- faire des ajustements si nécessaire et si possible… parce qu’on ne peut pas toujours faire de miracles sur le sujet : certaines couleurs en traditionnel (magenta, cyan fluo…) sont quasiment impossibles à rendre à l’impression.
Dans tous les cas, il faut voir avec son client quelles sont les contraintes d’impression.
Je fais pas mal d’optimisations sur Photoshop qui permettent d’avoir un rendu très proche de l’illustration originale.
Pour un rendu pro, il faut toujours demander à son client de quel format il a besoin et de quel profil colorimétrique (idéalement plus que CMJN ou RVB). En général on évite les formats compressés (JPG) et on ne donne pas ses fichiers avec ses calques de travail dedans.
Selon les clients et les projets, on peut travailler sur des formats hyper variés : A4, A3, format Jésus, plus grand ou plus petit. Peu importe finalement car il faut bien distinguer la résolution finale d’un fichier qu’on rend à notre client et la résolution du fichier source.
Je peux tout à fait travailler sur un format A4, numériser à hyper haute résolution pour que le fichier final de 4 mètres sur 3 mètres soit à 300 DPI. Bref, tout dépend du projet : j’explique tout ça dans Destination Digital notre cours sur Photoshop.
Étape 6 : Présentation client et corrections
Il arrive que le client demande quelques corrections (taille, emplacement, couleurs, etc.).
Par exemple pour mon projet avec 4Murs (collection de 8 produits), l’entreprise voulait représenter ma palette signature, fraiche, printanière et colorée.
Heureusement, avant de passer à la peinture, j’avais pris soin de faire une première proposition de direction artistique pour la collection dans la version #1 de mon pitch avec quelque chose d’un peu moins coloré que le style habituel qu’on retrouve dans mes tutoriels.
Cette proposition a pu servir de base de discussion et a été jugée trop neutre et pas assez colorée et proche du style pour lequel je suis connue. J’ai pu ajuster et faire quelque chose de plus saturé et acidulé avant de démarrer la peinture.
Je vous en parle à cette étape parce que je voudrais que vous puissiez prendre conscience du temps gagné grâce au pitch et à la numérisation. En 100% traditionnel et sans cadrer les contours du projet grâce au pitch il m’aurait fallu repartir à zéro !
Étape 7 : Mise en vente du produit
Vient ensuite une dernière étape : la production et la mise en vente du produit par le client.
Je pense qu’il est vraiment dommage de considérer le projet terminé pour nous à la livraison des illustrations et de ne pas s’investir un peu plus dans cette dernière étape.
Le lancement et la promotion d’un produit ou d’une collection de produits est une fantastique opportunité pour développer sa notoriété et sa crédibilité auprès d’autres marques et pour connecter avec sa communauté.
Pensez par exemple à faire des photos du produit final, d’aller voir et pourquoi pas filmer les produits dans un magasin… Il ne faut pas non plus hésiter à demander à votre client de vous envoyer un exemplaire des produits finis. On peut aussi proposer du partage d’influence avec la marque (posts en cross publication notamment). C’est une prestation de communication qui peut être ajoutée à votre devis.
Publications à l’occasion de la sortie de la collection 4Murs
Mais la promotion est un autre grand sujet sur lequel je ne manquerai pas de revenir prochainement !